mercredi 13 juillet 2016

Panégyrique de M. Silvio Amstad

Les Anciens appelaient panégyrique l’éloge sans restrictions ni nuances d’une cité, d’une tribu, d’un homme, en présence de tout le peuple assemblé. J’ai donc aujourd’hui l’honneur et le plaisir de prononcer devant vous le panégyrique de notre collègue au moment de sa prise de congé du Gymnase de Morges.

Depuis la fondation du Gymnase, M. Silvio Amstad a représenté parmi nous l’esprit de Zurich, clair, logique et toujours systématique. Contrairement à beaucoup d’entre nous, il n’était nullement prédestiné à l’enseignement. Même s’il n’a pas conduit de bateau sur le Mississippi, il a tout de même fait beaucoup de choses différentes avant d’entrer dans notre cher métier. Après un certificat d’employé de commerce, il travaille à Payerne chez Eternit, où il introduit déjà l’informatique (sur cartes perforées ?). Ensuite il travaille au service des automobiles à la Blécherette, dans la gestion des permis de conduire. Et finalement à la Ville de Lausanne et au secrétariat du Gymnase de Chamblandespendant ses études au Gymnase du Soir et à la Faculté des Lettres, jusqu’à sa licence d’archéologie. Mais le Canton de Vaud a besoin de profs d’allemand plus que d’aventuriers de l’Arche perdue.

Au Collège de Nyon, M. Amstad commence l’informatisation de la grammaire allemande, sur le réseau de l’époque : le Videotex. Appelé à essuyer les plâtres du Gymnase de Nyon, il poursuit ce travail de pionnier au sein d’un établissement d’esprit assez contraire à l’innovation pédagogique. Le Gymnase de Nyon était alors une monarchie absolue, avec ses courtisans, ses artistes et ses fous. Au Gymnase de Morges, dès sa fondation, M. Amstad participe à la création d’un établissement ouvert, où les maîtres sont à l’origine des initiatives pédagogiques.

Ainsi, presque tout de suite, surgit une première révolution : une salle d’informatique ouverte aux élèves permet librement la consultation d’internet (on est en 1993). Je rappelle que les élèves de notre Gymnase aujourd’hui ne peuvent toujours pas accéder au wifi, pourtant installé. Autre temps : la méfiance procédurière a remplacé la confiance dans le bon usage de la technologie.

Ensuite, M. Amstad met en ligne le site du Gymnase de Morges, dont il sera le webmaster incontesté pendant vingt ans. En France, mes collègues me disaient : « Je regarde les liens pédagogiques sur le site du Gymnase de Morges, tu connais ? ». Cette référence précieuse n’est plus. Le vide a pris sa place. Un bouddhiste comme M. Amstad ne peut s’en étonner, car il a d’ailleurs aussi mis en ligne le site du dôjô zen de Montreux (<dojosansui.ch>).

Le site du Gymnase de Morges étant le premier de toute la Suisse scolaire,nous recevons donc un diplôme européen d’ « école innovante » que notre ancien directeur, M. Felberbaumet M. Amstad vont chercher à Berne. Il y a longtemps que je n’ai plus revu ce magnifique diplôme, qui ornait autrefois l’espace d’accueil du Secrétariat. Peut-être est-il aujourd’hui dans le bureau de M. Denis Rochat. Il y serait en tout cas en bonne place. M. Amstad enseigne alors, à ses moments perdus, la construction de sites à l’Université populaire de Lausanne, où notre ancien collègue M. Beetschen suivra ses leçons et ses conseils pour mettre en ligne avec succès le site du Séminaire pédagogique de l’enseignement secondaire.

Au moment de la création de la Maturité professionnelle commerciale, M. Amstad prend les commandes de cette nouvelle formation mixte. Il est à l’origine du projet le plus innovant proposé par le Gymnase de Morges, la Maturité bilingue français-allemand, dont Morges a conservé longtemps le monopole. Il enseignera l’histoire en allemand dans cette nouvelle voie de formation. L’informatisation de la grammaire allemande se poursuit et fait l’objet d’une émission de la Télévision alémanique le 15 février 2000. Enfin paraît la méthode d’allemand de M. Amstad, Im Falle eines Falles, chez l’éditeur Klett Verlag, que de nombreux gymnases ont reprise et reprennent encore.

En 2005, M. Amstad rencontre la Chine. Il visite toute l’Asie, et apprend la langue. Il passe le premier examen de chinois HSK et propose une application, MEILONG, pour l’apprentissage du chinois, et TOPVOC sur le même modèle pour les langues européennes. Enfin, il ouvre au Gymnase un cours facultatif de chinois (7 volées à ce jour). Avec le départ de M. Amstad, l’horizon du Gymnase va se restreindre. Il me paraît très important, dans les futurs engagements, que le critère, sinon ethnique ce qui ne veut rien dire, mais surtout culturel, soit vraiment pris en compte. La connaissance de Cossonay étant bien établie, il faut songer maintenant au reste du monde émergé.

A la fin de ce panégyrique, je souhaite rappeler que le rayonnement d’un établissement repose sur la capacité de ses enseignants à transcender par leur personnalité tous les règlements, nécessaires mais pas suffisants, de notre activité. C’est par leurs passions que les maîtres de gymnase laissent une trace dans les mémoires et dans les cœurs, et pas seulement par leurs petites moyennes. Voies de formation nouvelles, moyens d’enseignement innovants, attirance méthodique pour les cultures et les continents lointains, M. Amstad se retire en laissant la trace d’un parcours admirable.